La formidable destinée des enfants du boucher alsacien

La recherche généalogique confiée va faire mentir l’adage populaire : « le roi n’est pas mon cousin ». L’enquête commencée en Alsace à la frontière avec l’Allemagne va nous mener en Algérie mais aussi en Pologne, à Saint-Petersbourg, à Buckingham Palace et au palais royal de Madrid. Paul, à l’origine de l’enquête, découvrira avec amusement et un peu de fierté que ses ancêtres bouchers et tricoteurs de pantalons de Wissembourg sont aussi ceux du prince Charles, héritier de la Couronne d’Angleterre et du roi Philippe VI d’Espagne. 

L’histoire prend donc souche dans la petite ville alsacienne de Wissembourg, à la frontière allemande, à la fin du 16ème siècle. Au sein de la petite cité, la famille Boell est l’une des plus aisées et des plus respectées. Georges Boell exerce la profession de boucher. La destinée de ses enfants va nous réserver de belles surprises.

De la défense de la monarchie à l’émigration en Algérie

L’aîné, Jean-Jacques, mort en 1687, hérite du commerce familial et exerce comme maître boucher. On en reparlera.

Son frère Philippe doit faire choix d’un autre métier. Il sera tricoteur de pantalons et bas de chausses. Son arrière petite-fille, Catherine Boell, se marie en 1775 avec Alexis Voirol, un soldat d’un régiment suisse au service de la France qui se battra jusqu’au bout pour défendre la monarchie française jusqu’en 1792. Leur fille épouse de son côté un ancien canonnier qui a fait toutes les guerres de Napoléon et s’est retiré dans son Jura natal comme cultivateur. L’histoire continue avec leur fille, Félicité qui s’allie avec un modeste vigneron de la commune jurassienne de Mantry. A cette époque, le gouvernement français menait une active propagande pour convaincre un maximum de Franc-Comtois de s’établir en Algérie pour y développer la colonisation. Félicité et son mari se laissent convaincre et émigrent au sud-ouest d’Alger où ils font souche. Ce sont les ancêtres de Paul à l’origine de cette enquête.

Le roi d’Espagne et le futur roi d’Angleterre sont bien les descendants du boucher alsacien

Revenons maintenant au fils aîné, Jean-Jacques ! Sa petite-fille Marie Salomé trouve un emploi de de femme de chambre de la comtesse palatine puis deviendra la dame de compagnie de la princesse Caroline, épouse de Louis, prince héréditaire de Hesse-Darmstadt. En 1773, Marie-Salomé se marie avec Friedrich Hauke, un philologue, secrétaire du comte de Brühl, envoyé comme diplomate à Varsovie en 1782. 

L’ascension sociale de la famille monte d’un cran avec le fils de Friedrich et de Marie Salomé, Johann Moritz Hauke, qui devient général des troupes russes en Pologne et élevé au rang de comte par le tsar Nicolas Ier ​​en 1829. Le tsar le nomme également sous ministre de la Guerre en Pologne mais Johan Moritz est assassiné en 1830 lors d’un soulèvement. Orphelins, ses enfants rejoignent à Saint-Petersbourg leur grand-mère Marie Salomé, que nous connaissons déjà. Elle vit à la cour du tsar Nicolas Ier, dans l’entourage de la tsarine. Parmi les enfants, Julia devient à son tour la dame d’honneur de la nouvelle tsarine Marie de Hesse, épouse d’Alexandre II. 

Elle se lie avec le propre frère de l’impératrice, le prince Alexandre de Hesse, qui l’épouse en 1851 et devient  ainsi princesses de Battenberg. Le conte de fées va se poursuivre avec les 5 enfants du couple, tous princes et princesses de Battenberg. 

Louis est devenu sujet britannique. Il a changé son nom de famille. De Battenberg, il est devenu Mountbatten. Il est le grand-père maternel du prince Philippe d’Edimbourg, époux de la reine Élisabeth, et donc l’arrière grand-père du prince Charles.

Le frère cadet de Louis, Henry de Battenberg, eut une fille Victoria Eugénie qui épousa le roi d’Espagne Alphonse XIII dont le petit-fils fût le roi Juan Carlos qui a régné jusque’à son abdication en 2014 en faveur de son fils, l’actuel roi d’Espagne Philippe VI.

Ainsi le roi d’Espagne et le futur roi d’Angleterre sont bien les descendants du boucher de Wissembourg, Georges Boell. Un privilège qu’ils partagent avec Paul et que celui-ci savoure maintenant, fier de cette ironie de l’histoire.