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Mon ancêtre est un bourreau !

L’exécuteur des hautes oeuvres comme témoin de mariage

La légende familiale faisait référence à un lointain ancêtre faisant fonctionner la guillotine. Mais aucune preuve ne venait l’étayer. Il a fallu une enquête quasi policière pour percer le mystère à travers des actes d’état-civil qui ne mentionnaient jamais la fonction réputée impure. Elle nous mènera à Mons, en Belgique, dans le quartier mal famé des ouvriers et des « baiselettes », qu’administrait l’exécuteur des hautes oeuvres, autre nom du bourreau de la ville.

On y suivra la vie de Catherine, une servante devenue femme de l’amoureuse vie, mère de nombreux enfants qu’aucun père ne reconnût mais toujours déclarés par l’aide et cousin du bourreau. L’un de ces enfants, François, entrera à son tour dans la terrible confrérie des exécuteurs publics et officiera comme aide bourreau jusqu’en 1865.

Le témoin de mariage du jeune François Foulon, âgé de 19 ans, s’appelait Jean-Joseph Guillaumet et portait le titre d’exécuteur des hautes oeuvres de la ville de Mons. Les Guillaumet constituaient une véritable dynastie de bourreaux qui en possédait la charge depuis 1772.

Le bourreau et la fille de l’amoureuse vie !

Tout commence donc avec la mère de François, Catherine Foulon. Fille d’un paveur de rues, elle habite le quartier du Mont du Parc, occupé par une population ouvrière d’hommes à tout faire, de journaliers, de petits artisans et de servantes. C’était aussi le quartier des « dames au ruban jaune », c’est à dire des prostituées de la ville. Curieusement, depuis le Moyen-Âge, les filles de l’amoureuse vie sont justement placées sous l’autorité du bourreau de la ville ! Catherine va donner naissance à sept enfants sans jamais s’être mariée et deux seulement seront reconnus par un père qui fait profession d’écrivain public. 

Catherine se prostituait-elle ou ses enfants avaient-ils pour père le bourreau, ce qui expliquerait l’absence de reconnaissance ? Car, à cette époque, les bourreaux et leur famille vivaient en marge de la société dont ils étaient les parias, puisque chargés de l’impureté du sang répandu. Cette marginalisation incluait aussi l’exclusion de l’enseignement ou de l’apprentissage des enfants des bourreaux et de leurs aides qui, victimes de ces préjugés et en l’absence de formation, ne pouvaient exercer d’autres métiers.

Le sinistre palmarès de l’aide du bourreau

Jean-Joseph Guillaumet, le bourreau en titre depuis 1825, s’était débrouillé pour engager François Foulon comme second aide, alors qu’il n’était âgé que de 16 ans. Le bourreau disposait en effet d’une allocation lui permettant de recruter et de rémunérer deux aides. Mais le concours de François Foulon, pour réel qu’il soit, n’avait pas de caractère officiel. Il devra attendre 1853 pour être inscrit dans la liste des aides-exécuteurs officiels.

Les exécutions se trouvaient néanmoins espacées dans le temps. La première à laquelle François Foulon contribua fût celle, en 1842, d’un domestique de 28 ans qui avait assassiné un riche rentier et étranglé sa servante. L’instrument de mort était installé sur une sorte d’estrade bien en vue de la foule, toujours considérable et avide du spectacle.

La chronique s’attarde ensuite sur chacune des exécutions auxquelles notre aide bourreau va participer et suit ainsi son sinistre palmarès. Sa plus pénible prestation concerne, le 22 juin 1844, l’exécution d’une femme de 31 ans, coupable d’avoir tuée en l’étouffant sa petite fille de deux ans. Guillotiner une femme, c’était toujours la hantise des bourreaux. Il était disait-on plus difficile de les maîtriser sans offenser la pudeur de l’époque.

François Foulon est mort pensionné aide bourreau en 1885. Toutefois, comme il n’y a eu aucune exécution en Belgique à partir de 1865, du fait de l’opposition du roi à la peine de mort, il eut donc tout le temps nécessaire pour se consacrer à son autre métier d’ouvrier menuisier.