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Une dynastie de « martineurs » en Franche-Comté

Les pionniers d’une industrie naissante

La quête généalogique va ici de pair avec l’histoire de la métallurgie à partir de la création des premières forges et hauts fourneaux en Franche-Comté, dès le 17ème siècle. On suit ainsi l’élévation sociale de la lignée, génération après génération, de journalier à ouvrier qualifié jusqu’à la direction d’une usine Japy à la fin du 19ème siècle. Tout ceci, au coeur d’une région dévastée par les guerres interminables qui opposent les Habsbourg au royaume de France jusqu’à la guerre de 1870 où la famille reste miraculeusement française.

C’est la chronique d’une une famille d’ouvriers parmi des centaines d’autres : les Gaufroy. Jean-Nicolas Gaufroy est né en 1708 dans l’un des logements ouvriers de la forge de Neufchâtel, à Bouguignon, un village situé à une douzaine de kilomètres de la frontière suisse. Son père faisait déjà partie de la cohorte des pionniers de l’industrie naissante.

Dans l’antre des hauts-fourneaux

Jean-Nicolas lui consacrera toute sa vie comme ses frères et beaux-frères, avalés comme l’ensemble des membres de chaque génération dans l’antre des fourneaux, des chaufferies, des affineries et des martinets pour produire de la fonte. 

Son fils Félix est né en 1756 à Neuchâtel Urtière dans les mêmes casernes de forges que son père. Il a suivi ses traces à peine adolescent et est devenu un ouvrier très qualifié, confirmé par son statut de maître martineur. 

A la veille de la Révolution, les hauts-fourneaux se sont multipliés et toute la gamme des produits métallurgiques est en plein essor. Les fils et les gendres de Félix assument l’héritage et font tourner les mêmes machines que leurs pères, sans quitter leurs fourneaux et leurs enclumes, dans la même boucle du Doubs.

Il faut attendre la génération suivante pour noter une première émancipation. Vital Gaufroy, né en 1812 dans le même univers des forges, commence à son tour par travailler dans l’ambiance sombre et mystérieuse des martinets, martelant sans cesse des loupes de fer, qu’on appelle des « renards », sur l’enclume de sa machine.

Cadre de l’empire Japy

En 1860, il s’installe à Beaucourt, dépendant alors du département du Haut-Rhin et aujourd’hui rattaché au Territoire de Belfort. Beaucourt est le coeur de l’empire Japy, une entreprise de machines, d’outillages et de pièces d’horlogerie qui emploie 3200 personnes. 

Dorénavant, la vie de la famille Gaufroy se confond avec l’univers Japy dans lequel elle va totalement se fondre. Compte tenu de son âge, Vital devient commis puis employé pendant que ses fils sont engagés comme mécaniciens. Tous vivent dans le familistère Japy, dans l’un des logements de la rue de la Fabrique où demeurent également les propriétaires.

Mais dans ce sud de l’Alsace, ils se trouvent au mauvais moment au mauvais endroit lorsqu’éclate la guerre de 1870, au mois de juillet. Après la défaite militaire de la France, l’Alsace devient allemande. Mais un arrondissement reste français, celui de Belfort. Il devient ce qu’on appelle l’arrondissement subsistant du Haut-Rhin. Ainsi la ville de Beaucourt et les usines Japy restent françaises. Les Gaufroy aussi. 

Vital est un employé apprécié chez Japy. L’ancien martineur devient même comptable en 1877 avant sa retraite. Son fils Félix Félix gravit rapidement les échelons dans l’entreprise Japy. Simple mécanicien, il est promu chef d’atelier de visserie, puis en 1881, devient un cadre de l’empire Japy, nommé directeur des forges et de l’usine de visserie-boulonnerie de L’Isle sur le Doubs. Son fils, son petit-fils, son arrière petit-fils deviendront eux médecins.